Renaissance de la Lyre Gauloise?

Lyre gauloise

Les premiers pas vers une renaissance ? (Par : Caroline Le Marquer -DASTUM)

« Luthiers-chercheurs en archéo-musicologie» : Julian Cuvilliez et Audrey Lecorgne ont créé il y a une dizaine d’années l’atelier Skald, spécialisé dans la facture de lyres et harpes, et basé à Kerpert en Centre-Bretagne. Leur projet : faire avancer la connaissance scientifique et technique sur la lyre gauloise, pour mieux en développer une pratique actuelle. Julian Cuvilliez explique.

Musique Bretonne : Que sait-on aujourd’hui de la lyre gauloise telle qu’elle a pu exister en Bretagne ?
Julian Cuvilliez : À ce jour, les travaux et études archéologiques, révèlent que la présence de la lyre est très clairement attestée en Gaule et notamment sur le territoire armoricain avant l’invasion romaine. La lyre est, avec le cheval, un des deux grands symboles qu’on retrouve sur les monnaies frappées par les peuples gaulois tels que les Osismes, les Coriosolites ou les Redones aux alentours du IIe siècle avant J.C.

Une découverte fondamentale a bien sûr été la stèle à la lyre, trouvée en 1987 à Paule, dans les Côtes-d’Armor. Les fouilles menées sur place ont permis d’établir qu’elle se trouvait sur le site d’une ferme fortifiée où s’étaient rassemblées différentes strates de la société gauloise dans le contexte très troublé des débuts de l’occupation romaine.
Parmi les quatre stèles découvertes sur ce site, elle est la seule à offrir une telle représentation de « barde à la lyre » et elle reste, à ce jour, un cas unique au monde.

Ci-dessus, un statère (monnaie antique) datée du IIe siècle avant J.C. Attribuée aux Redones, elle figure une cavalière armée à la lyre.

Même s’il faut toujours considérer avec prudence de telles représentations, qui répondent à beaucoup d’autres critères que celui de la fidélité par rapport à la réalité, cette stèle donne à voir de nombreux détails très intéressants. Elle figure un personnage tenant une lyre, non pas en action de jeu mais posée sur son torse. C’est un gisant dont les attributs, notamment la torque qu’il porte, permettent de dire qu’il s’agissait d’un personnage de rang très élevé dans la société gauloise, sans doute un aristocrate, un prêtre, un barde… Ou peut-être un dieu, ont avancé certains. Cet instrument comporte sept cordes, ce qui était le plus courant dans les représentations de cette époque dans les pays voisins et renvoie à la musique sacrée. Tout laisse penser que cette stèle remplissait une fonction au sein d’un culte.
La lyre, il faut le rappeler, n’était pas à proprement parler un instrument destiné à produire une musique d’agrément, sa fonction était d’être le support de la parole, un outil mnémotechnique venant en appui de la transmission orale. La fonction des bardes telle que nous la décrivent Strabon, Posidonius, Jordanès, Pomponius Mela, etc. était de chanter les héros, les rois, les dieux. L’évangélisation de la Gaule durant les siècles qui ont suivi a conduit à étouffer complètement cette expression.
Certains textes romains confirment la présence de la lyre en Gaule au début de notre ère. Leurs auteurs évoquent en tout cas des « poètes » jouant d’instruments qui ressemblent à des lyres. Il faudrait étudier plus précisément ces textes, mais il est difficile d’en tirer quelque information fiable sans une étude de leur forme originelle. D’abord parce qu’ils avaient surtout pour but de dévaloriser les peuples que les Romains avaient soumis et préféraient considérer comme des barbares. Ensuite parce que la lyre a toujours été nommée avec des termes très différents, il est difficile de faire le tri entre toutes ces appellations et ce qu’elles désignent vraiment. Il faudra explorer, étudier, comparer, traduire, afin de brosser le portrait de la lyre.

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Ci-dessus, une réplique de la stèle de Paule et la reconstitution de la lyre réalisée par l’atelier Skald (photo Ambre de l’Alpe).

 

Musique Bretonne : Vous avez créé le pôle Recherche, interprétation et archéologie expérimentale (PRIAE). De quoi s’agit-il et quel en est le but ? Julian Cuvilliez : Comme expliqué précédemment, les découvertes archéologiques de ces vingt dernières années, et notamment celle de la stèle de Paule, ont apporté des lumières sur le sujet mais ont aussi soulevé leur lot de questions. Il y dix ans, lorsque j’ai commencé mes recherches sur la lyre, j’ai pu constater à quel point le sujet avait été peu considéré de ce côté-ci de la Manche. Une pratique musicale a bien été attestée chez les Gaulois, mais cela s’arrête là, nous ne savions pas grand-chose de plus. Le monde de la recherche s’y est peu intéressé, sans doute parce que les Gaulois ont longtemps été considérés comme un peuple arriéré, crasseux, dénué de sens artistique. Ce regard commence seulement à changer, alors qu’outre-Manche, les études sur les bardes, notamment, abondent. Ces études sont précieuses mais elles ne nous disent pas quelles étaient les pratiques sur le continent.
Un autre fait évident, plongeant la dimension musicale des Gaulois dans l’ombre, est la rareté des découvertes archéologiques et le manque de spécialistes du sujet, faisant que de nombreux fac-similés en lien direct ou indirect avec la pratique musicale ont pu être prélevés, mal ou pas du tout identifiés, et demeurent encore inconnus à ce jour.

 

Le PRIAE se propose de réunir une équipe pluridisciplinaire internationale comprenant des archéologues, des musicologues, des ethnologues, des historiens, mais aussi des linguistes, musiciens, numismates, archéo-artisans, etc. Nous travaillons par exemple avec Céline Kergonan, archéologue chargée d’enseignement à Rennes II, Arnaud Desfonds, archéologue à l’INRAP, Yann-Fañch Kemener, ethnomusicologue et chanteur, ou encore Yerko Fuenzalida, multi-instrumentiste espagnole spécialiste de la kora. Nous souhaitons également collaborer avec des associations d’archéologie, de valorisation et de conservation du patrimoine, des musées, des unités de recherche… C’est déjà le cas avec les Mémoires du Kreiz Breizh et l’OPCI.
Ces cinq prochaines années, le PRIAE mènera une étude pluridisciplinaire et expérimentale sur la lyre. Cette étude portera sur ses modes de confection, par l’expérimentation des artisanats, des moyens et matériaux de l’âge du fer dans les conditions de l’époque.

Le projet Kan ar Gwriziou – Marcel Guilloux (photos Nicolas Breton).Il s’agira aussi de repérer, identifier et étudier les artefacts présents dans des départements d’archéologie et des musées.
Le pôle s’intéressera par ailleurs à la fonction de l’instrument comme vecteur de mémoire et de transmission, à sa place dans le quotidien, le sacré, le profane, comblant les éventuelles lacunes par diverses études comparatives chez les peuples voisins.
Sera étudiée également la fonction musicale de la lyre, ses répertoires, techniques et modes, ainsi que sa place et fonction dans l’instrumentarium de l’époque, ce à travers l’étude de textes anciens et l’analyse des pratiques musicales traditionnelles de ces cent dernières années, dans l’idée de suivre le plus loin possible le fil rouge de certains archaïsmes révélés par les archives sonores ou écrites. Il s’agira enfin de mener une phase d’expérimentation en collaboration avec des artistes de la scène traditionnelle internationale.
Il est prévu de reconstituer six variantes d’instruments grâce aux données qu’auront assemblé les différentes commissions de recherche afin de mettre en lumière par l’expérience ce que la théorie laisse dans l’ombre.
Le pôle s’attachera à restituer le fruit de ses travaux par le biais de conférences en Bretagne et ailleurs. La prochaine est prévue en octobre prochain à la Fête de la science au musée d’archéologie de Jublains.
Le projet est enfin celui d’une tournée internationale comprenant des conférences, des expositions, un concert expérimental. Le photographe Nicolas Breton ainsi que le réalisateur documentaire Thierry Le Vacon suivront toute l’aventure.

Musique Bretonne : Votre travail au sein de l’atelier Skald relève-t-il d’une forme d’archéologie expérimentale ?
Julian Cuvilliez : Cela fait partie de notre démarche, bien sûr. Il y a treize ans de cela, quand j’ai commencé à vouloir fabriquer des lyres, j’ai constaté que la facture de cet instrument n’était pas enseignée en école de lutherie. Alors j’ai fait mon propre compagnonnage, je suis allé à la rencontre de toutes sortes d’artisans : des menuisiers, des ébénistes, des tourneurs sur bois, et même des bûcherons ! Les ébénistes Michel et Alain Zana ont été mes maîtres et m’ont énormément appris. Bien évidemment, je me suis formé également auprès de luthiers, comme Guillaume Lassauzé.
Parallèlement, je me suis intéressé à différentes disciplines scientifiques comme l’archéologie, la musicologie, l’organologie, l’ethnologie. Cela m’a amené notamment à étudier un énigmatique instrument médiéval auquel nous avons consacré un ouvrage, le psaltérion.
Cependant, très vite, il m’est apparu que je ne pouvais pas me fonder sur les connaissances disponibles en matière de lutherie médiévale, dont la pratique était en rupture avec celle de temps plus anciens. Pour comprendre un outil ou un instrument, il faut appréhender l’oeuvre ou l’ouvrage auquel il est destiné, ce qui implique d’aller au-delà du son et de l’effet qu’un instrument produit jusqu’à l’origine et à la cause de sa fabrication. Il faut prendre en compte l’époque, les moyens, les matériaux, le contexte social, la langue, l’art, la symbolique, etc.

Julian Cuvilliez donnant une conférence sur « la lyre dans l’espace et le temps» au Centre d’interprétation du patrimoine Coriosolis de Corseul en mai 2016 (photo Nicolas Breton).

De manière générale, il faut renverser l’approche de la lutherie, qui est une discipline récente, fondée sur des problématiques soumises aux effets de normes, de modes, de styles, et qui tend à uniformiser le geste de l’artisan comme son résultat, afin de concevoir des instruments produisant les mêmes sons et répondant aux mêmes normes. Comment enseignerions-nous la clarinette si aucune d’entre elles ne sonnait de la même manière ? Voilà une problématique actuelle qui n’avait certainement pas cours en des temps où la musique, dans une pratique utilitaire et souvent sacrée, n’avait pas pour but de refléter une unité et incarnait la multitude comme autant de langues, de parlers, de cultures, de spiritualité dont elle était le vecteur et le support. Ainsi, la lyre et, a fortiori, la musique, en qualité de support de parole, devait très certainement s’adapter aux parlers, tout comme en Bretagne, d’un terroir à l’autre, l’expression musicale a épousé les particularités linguistiques locales affectant la rythmique et la mélodie. Nous ne pouvons donc sûrement pas approcher la lyre comme le piano qui, du Japon jusqu’en Amérique latine, sera accordé de la même manière, mais, plutôt comme un instrument-outil soutenant la parole, la mémoire et pouvant présenter des variantes dans l’accordage et dans le style d’un peuple à un autre, voire d’un individu à un autre.
En résumé, nous avons multiplié les expériences ces dernières années avant de parvenir à un instrument compatible avec les moyens et les matériaux de l’âge du fer et qui a su nous satisfaire en termes d’accoustique. Nos travaux commencent à être reconnus et ont été notamment salués, lors de l’édition 2015 du Festival plin où nous avions été invités à présenter la lyre, par le président de la Communauté de communes du Kreiz Breizh (CCKB) Jean-Yves Philippe, qui a annoncé par la même occasion l’ouverture d’un atelier lyre au sein de l’École de musique, danse et théâtre du Kreiz Breizh (EMDTKB).

Musique Bretonne : Vous vous intéressez au chant de tradition orale de Bretagne. Le considérez-vous comme une piste de recherche ?
Julian Cuvilliez : Oui, le chant de tradition orale de Bretagne est bien évidemment une piste que nous suivons pour imaginer les pratiques musicales gauloises. Pourquoi ? Parce que ces pratiques étaient elles aussi de tradition orale. Je ne prétends pas qu’il y ait une continuité directe, mais la culture orale qui perdure aujourd’hui en Bretagne est quelque part l’héritière de ce qui a pu exister dans des temps plus anciens. Je pense notamment aux gwerzioù (dont certaines pièces sont communes avec le pays de Galles), récits transmis avec le soutien de la musique : il y a des points communs avec ce qu’on sait de la pratique des bardes… Cette piste ne me semble pas plus idiote qu’une autre en tout cas !
Au-delà des mécanismes de transmission, nous allons nous pencher sur les archives sonores telles que celles que détient Dastum, à la recherche d’archaïsmes qui, comme je l’expliquais plus tôt, pourraient donner des indications quant à des formes musicales très anciennes.
Nous allons aussi étudier les répertoires médiévaux, en lien avec les récits propagés par les lais et les mabinogion, mais, là encore, avec prudence, car ces répertoires, tels qu’ils nous sont majoritairement parvenus, sont issus d’une époque où le christianisme avait déjà notablement supplanté les pratiques païennes.

Musique Bretonne : Le projet Kan ar Gwriziou s’inscrit-il dans cette démarche de recherche du côté de la tradition orale ?
Julian Cuvilliez : Kan ar Gwriziou (Le chant des racines) est une initiative de l’atelier Skald qui a pris naissance lorsque Florence Le Louarn, directrice de l’école publique de Lanrivain, m’a parlé de l’ouverture d’une classe bilingue à la rentrée 2016. Dès lors, j’ai proposé à la CCKB un projet permettant aux enfants de découvrir la langue bretonne par le biais du chant et de l’instrument de leurs racines qu’est la lyre.
Nous sommes allés à la rencontre d’Anne Auffret, Marcel Guilloux et Serge Le Louarn afin de leur demander de devenir les parrains et marraine de ce projet, et c’est avec enthousiasme qu’ils ont répondu à l’appel. Nous avons ensemble choisi une œuvre de leurs répertoires respectifs et ils ont fait découvrir aux enfants les textes, leur signification ainsi que les mélodies, sans manquer de leur raconter quelques croustillantes anecdotes !

 

Le projet Kan ar Gwriziou au sein de la classe bilingue de l’école publique de Lanrivain au printemps 2016, avec notamment les interventions d’Anne Auffret et Marcel Guilloux (photos Nicolas Breton).

 

Le projet Kan ar Gwriziou – Marcel Guilloux (photos Nicolas Breton).

 

Je me souviens avec quelle émotion Marcel a expliqué aux enfants la joie qu’il éprouvait à connaître de son vivant le retour du breton dans cette école qui a été la sienne, lui qui y a vécu son interdiction.
Durant onze semaines, les enfants ont travaillé à s’approprier ces chansons et aussi à s’accompagner à la lyre. Ils ont eu ensuite la fierté d’aller présenter leur travail sur les ondes de France Bleu Breizh Izel où, en direct, ils ont pu chanter et jouer à la lyre les pièces qui leur avaient été transmises. Je dirais que ce projet s’inscrit, au-delà de la recherche du côté de la tradition orale, dans un travail ou plutôt un devoir de transmission.
M.B. : Votre ambition est-elle de développer la pratique de la lyre ?
J.C. : Bien sûr, notre démarche vise à redonner la vie à la lyre, en aucun cas à en détenir le monopole de la pratique ou de la connaissance ! Pour ce faire, j’ai créé une méthode d’apprentissage adaptée aux petits comme aux grands ainsi qu’un système de tablatures dédiées à la lyre.
L’atelier lyre, lancé à titre expérimental au sein de l’EMDTKB, a bien pris : cette année, j’ai eu douze élèves ; l’année prochaine, ils seront près de vingt. En outre, j’anime, pour la deuxième fois cette année, un stage au Festival plin, mais aussi aux Assemblées gallèses. Je donne des conférences, au Centre d’interprétation du patrimoine Coriosolis à Corseul, aux Bains de la Reine à Guémené-sur-Scorff, etc. C’est le début d’un engouement ! Il y a une vraie curiosité pour cet instrument lié à l’imaginaire breton, à l’identité du pays. L’approche scientifique que nous menons a, en outre, contribué à lui donner une crédibilité. Nous donnons aussi de nombreux concerts, proposons des expositions, des démonstrations dans des sites de valorisation du patrimoine. De plus, nous ouvrons régulièrement notre atelier, en lien avec des offices du tourisme, afin de sensibiliser tous les publics à cet instrument du fond des âges.
Après 2000 ans de silence, nous appelons les musiciens de la scène traditionnelle actuelle à s’emparer de la lyre et à faire que cet instrument – qui demeure à ce jour la plus ancienne trace de cordophone retrouvée sur le territoire breton – redevienne un instrument du présent.
Comme l’a suggéré Alan Stivell lors de l’émission de France Bleu Breizh Izel, ce tour de force qu’a été le retour de la harpe celtique a pu être possible en Bretagne, et la voie est aujourd’hui ouverte. Pourquoi ne pourrait-on pas faire la même chose avec la lyre ?

Propos recueillis par
Caroline Le Marquer
Contact : 02 96 24 74 73/
atelier.skald@yahoo.fr
www.atelier-skald.com

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Dastum Musique Bretonne Magazine Lyre gauloise Atelier Skald

 

Lyre d’Oberflacht

 

Fouillée pour la première fois en 1846, puis à plusieurs reprises jusqu’à l’exploitation complète du site en 1934, la nécropole d’Oberflacht, avec ses quelques 300 sépultures, a révélé ainsi toute une série de constructions et d’objets en bois dont le nombre et la variété n’ont pas encore été égalés. Parmi ces découvertes, deux lyres provenant des tombes les plus riches de la nécropole, instruments dont il ne reste aujourd’hui aucune trace suite à l’assaut d’un tank Russe qui durant la seconde guerre mondiale, détruisit l’aile du musée de Berlin qui conservait les précieux artéfacts.

Afin de restituer au mieux cet instrument, nous nous sommes basé sur les croquis et les relevés de l’archéologue qui à assuré le chantier de ces sépultures ainsi que sur une étude palynologique menée dans les tourbières environnent le Würtemberg afin d’inventorier, par la présence des pollens qu’ont révélé les carottages, les arbres présents sur le territoire à l’époque du VIème siècle.

 

Par la suite, nous avons reforgé une trousse d’outils basée sur des pièces (Gouges, Ciseaux, Wastringue, couteau, etc…) provenant de différents site archéologique contemporains à la Lyre découverte à Oberflacht.

Suivant avec rigueur le protocole d’Archéologie Expérimentale du P.R.I.A.E (exposé en conférence à l’Auditorium du Musée d’Archéologie Nationale de Saint Germain en Laye en 2015 à l’occasion de l’exposition -L’Austrasie, le royaume mérovingien oublié) nous avons procédé à une mise en condition tenant compte des matériaux, de l’outillage mais aussi des vêtements à disposition au VIIème siècle afin de rendre l’expérience la plus authentique en fonction des données à dispositions.

 

 

 

Conférence à l’Auditorium du Musée d’Archéologie Nationale introduite par son Directeur, Mr Hilaire Multon

Stèle Gauloise Lyre Gallic Lyre

Lyre Gauloise

Notre travail de restitution de la lyre gauloise s’organise autour de plusieurs points.

La stèle gauloise de Paule

Retrouvée dans les Côtes d’Armor et datée du 1er siècle av-Jc, cette sculpture en ronde-bosse figure un personnage appartenant vraisemblablement tout à la fois à la classe aristocratique et sacerdotale et portant le torque, une coiffe ainsi qu’un instrument. Cette sculpture réalisée dans la Méthahorblendythe étant la plus précise et la plus remarquable représentation de la lyre gauloise jamais mise au jour.

S’en suivra une étude approfondie dirigée par le Dr Tinaïg de Clodoré Tissot ainsi qu’une première reconstitution qui ouvrira la voie.

En 2015, les archéo-luthiers de l’Atelier Skald fondent le PRIAE (Pôle de Recherche et d’Interprétation en Archéologie Expérimentale) réunissant plusieurs chercheurs internationaux afin de pousser plus loin l’étude de cette statuaire et de la lyre gauloise, notamment grâce aux technologies de pointe telle que la numérisation 3D (voir article archeologia n°523-cliquable). Menée en collaboration avec le Service Régional de l’Archéologie de Rennes (35), cette mission de numérisation 3D et de photogramétrie produira un document sans précédent dont la précision apportera une nouvelle lumière sur ce patrimoine millénaire et sur lequel figure le plus ancien instrument retrouvé sur le territoire de Bretagne. |ci-dessous, un aperçu via l’animation 3D (basse définition et sans la texture) |

 

Lyre Gauloise Numérisation stèle Julian Cuvilliez Audrey Lecorgne Archéo Luthiers

Audrey Lecorgne et Julian Cuvilliez, archéo-luthiers de l’Atelier Skald travaillant sur la stèle

                                                  Animation 3D -Essayez moi!

 

 Les représentations

Il existe peu de représentations de l’instrument et bien souvent, c’est dans la symbolique que nous la retrouvons placée sous le regard de l’artiste, généralement dans un style expressionniste laissant peu de piste quant à la réelle nature de l’instrument, ses proportions ou encore, ses caractéristiques. Toutefois, au cours des dernières années, nous avons réuni un important corpus d’informations, notamment sur la numismatique gauloise sur laquelle figure de nombreuses lyres que nous nous sommes attachés à inventorier et à étudier.

Les Citations

Les peuples gaulois utilisant peu l’écriture, il n’est pas étonnant qu’aucune mention de la lyre émise par son propre peuple n’eut encore été découverte. Toutefois, plusieurs mentions confirment sa pratique dans des textes Grecs et Latins.

Notamment :

« Il y a chez eux des poètes lyriques qu’ils appellent « bardes ». Ces derniers, avec des instruments
semblables à des lyres, évoquent ceux qu’ils louangent ainsi que ceux qu’ils raillent. » (Diodore de Sicile,
Bibliothèque historique,
V, 31, 2)

 

L’Archéologie Expérimentale

Après avoir identifié les possibles matériaux grâce notamment à la Palynologie. Après avoir reforgé les outils de la pratique artisanale du bois à l’Âge du Fer.

Il s’agit de se mettre en condition afin d’expérimenter. Les différents résultats de ce travail, en fonction de leurs pertinence, orientent nos choix quant aux instrument que nous fabriquons. La pratique continue de ce travail expérimental nous permet de proposer des instrument au plus près de la réalité historique, bénéficiant des tout derniers fruits de la recherche.

 

Mais quelle est la condition du Barde?

Selon toute vraisemblance, à l’instar de l’aède grec, du skald du Nord ou du grillo d’Afrique, le barde armoricain est profondément lié au principe de conservation de la mémoire de son peuple et de sa transmission.

De nombreux auteurs antiques évoquent sa fonction, avec parfois une partialité plus que discutable et qu’il s’agit d’interpréter mais ces récits n’en restent pas moins des témoignages précieux, plaçant presque toujours les bardes au côté de personnages importants, aristocrates, parfois même des rois.

Bien éloigné donc de l’imagerie romantique que nous ont dépeinte certains auteurs du siècle dernier nous décrivant de bonnes gens allant de ci, de la, mendiant le gîte et le couvert contre quelques divertissements; bien éloigné aussi du satirique et non moins sympathique Assurancetourix, vaillant ambassadeur de la lyre que nous ont offert Gossiny et Uderzzo et grâce à qui tous les enfants, ou presque, (petits et grands) connaissent la lyre : Le barde semble être de haute lignée et les fastes de la société mondaine de l’antiquité celtique semblent être son quotidien. Sa charge est étroitement liée à la conservation de la mémoire populaire, traditionnelle et spirituelle qu’il conserve et propage par la musique et l’oralité.  Nous ignorons encore beaucoup de chosee de le statut du Barde, nous basant principalement sur nos cousins insulaires d’Irlande et d’Angleterre chez qui les données semblent se trouver en plus grand nombre, mais l’archéologie nous éclaire chaque jour un peu plus sur ce peuple fascinant.

 

La Lyre Gauloise aujourd’hui?

En 2015, un 1er cycle de recherche se voit salué par la région Bretagne qui dès lors octroie la reconnaissance officielle de l’instrument (voir article DASTUM) en commandant à l’Atelier Skald plusieurs exemplaires et en missionnant Julian Cuvilliez afin de concevoir une pédagogie dans l’optique d’ouvrir la première classe expérimentale en école de musique.

En 2017, après deux années d’enseignement et face à une importante demande, l’Atelier Skald fonde la Lyre Academy qui dispense aujourd’hui des cours hebdomadaires dans plusieurs antennes en Bretagne.

 

En 2017, Julian lance le groupe Ar Bard qui signera le retour de la lyre gauloise sur la scène actuelle (voir FR3, le parisien-cliquable) un premier album intitulé “AREMORICA, des Hommes des Rois et des Dieux” lancé sur FR3 est chaleureusement accueilli par le public et s’en suivra une tournée internationale de concerts.

 

 

Cet instrument est une création originale de l’Atelier Skald inspirée de la Légende d’Ossian le barde.

Harpe-Lyre Gaëlia

 Auffret Lyre Atelier SkaldL’année 2014 commence fort pour les deux luthiers qui viennent de signer la sortie d’un tout nouvel instrument proposant la rencontre de la Harpe et de la Lyre. Cette création inédite n’est pas passée inaperçu dans la presse nationale (Keltia Magazine, Ouest France national en quatrième de couverture). Réalisée en amarante, disposant d’un système électro-acoustique spécialement mis au point, cet instrument hors norme fut serti d’argent et de pierreries par l’atelier Grain de Dryade. Une présentation fut faite lors d’une soirée évènement précédée par une cérémonie onirique dirigée par le conteur Ozégan et qui consista à baptiser l’instrument. S’en suivit un concert/spectacle unique devant un public chaleureux et au son de la Harpe/Lyre jouée par sa Marraine Anne Auffret accompagnant le Parrain Patrik Ewen, et ses fameux Récits Barbares.

Patrik Ewen Lyre Atelier Skald

 

Lyre alemanique de trossingen VIème Siècle Atelier Skald

La Lyre Alamanique de Trossingen

Cet instrument fut retrouvée au sud de l’Allemagne dans une sépulture de guerrier datant de l’ère Mérovingienne (VIème Siècle). Le cordophone, remarquablement conservé grâce à des conditions hygrométriques exceptionnelles, dispose d’un corps monoxyle en érable recouvert de gravures et de références spirituelles. Réalisées au couteau avec des inclusions de pigment, ces gravures présentent plusieurs entrelacs sur les bras ainsi que deux groupes de guerrier se faisant face sur la table d’harmonie.

Très tôt dans son parcours, L’Atelier Skald étudia cet instrument réalisant plusieurs propositions de restitutions construites avec les outils de l’époque mérovingienne. Par delà ce travail consacré à la nature historique de l’instrument, l’Atelier Skald crée la collection Néo et met au point la première électro lyre de Trossingen qui rencontrera un franc succès auprès des groupes de Rock et de Métal.

Depuis 2016, l’expertise du couple de luthiers sur les instruments mérovingiens (notamment la Lyre de Trossingen, d’Oberflacht et et de Cologne) est sollicité en conférences et en expositions dans de nombreux musées : Musée d’Archéologie Nationale de St Germain en laye, Musée de St Dizier ou encore au musée de Constance où Julian et Audrey ont dernièrement présenté leurs travaux menés au sein du PRIAE à Barbara Theune-Grosskopf.

Barbara Theune Lyre Trossingen Alamanen Leire Constance Julian Cuvilliez Audrey Lecorgne

 

Lyre de Sutton Hoo

Tout commence en mai 1938, lorsque l’archéologue Basile Brown répond à l’appel de Edith May Pretty, qui affirme que se trouvent sur ses terres de nombreuses sépultures dont la présence lui auraient été révélée par de mystérieux rêves…

Basile Brown, après un rapide diagnostic identifie effectivement la présence de plusieurs tertres du Haut-Moyen âge, mais dont la plupart ont été saccagés par des pillards de tombes.

C’est en 1939 que Basile Brown s’intéresse de plus près au Tertre 1 que, Miss Pretty l’invitait pourtant avec insistance à explorer en priorité depuis le début des travaux.

Très vite, Basile se rend compte que non seulement le tertre demeure inviolé mais de plus, qu’il s’agit là d’une importante découverte.

Il s’agira d’une sépulture à bateau appartenant certainement à un haut personnage de la noblesse Saxonne, peut être même la tombe perdue du Roi Raedwald d’East Anglia mort en 624 et qui, selon les Chroniques Ecclésiastiques de Grande Bretagne écrites par Bède le Vénérable, fut l’un des sept souverains à avoir exercé l’Imperium sur les autres royaumes saxons et disposant du titre de Bretwalda ou « souverain de Bretagne ».

 

Basile Brown -Archéologue- 1939 -Tertre 1

Au cœur de ce landskip funéraire de 28 mètres de long furent mis au jour de nombreux objet prestigieux suggérant l’importance du personnage inhumé, parmi lesquels : un remarquable casque à facial serti d’or et de grenats et présentant des figurations païennes, plusieurs armes ainsi que de nombreux objets en or mais enfin et surtout, les restes d’une lyre en érable ornementée d’appliques en or fin représentant des volatiles, le tout, vraisemblablement entreposé dans un sac en peau de castor dont l’assaut du temps n’aura laissé que quelques poils.

Une étude comparative des représentations présentant la lyre sur le territoire de Grande Bretagne (entre autres dans le registre pictural et iconographique entre le VIIème et le IXème siècles) a permis de mettre en lumière certains éléments que la découverte de Sutton Hoo laissait dans l’ombre, notamment sur certains aspects techniques propres à la fabrication mais surtout, sur la place et la fonction de cet instrument dans la société saxonne ou encore, sur les techniques de jeu…

 

le Psautier de Cantorbery

Ci-contre, le Psautier de Cantorbery, dit Vespasien, conservé à la British Library de Londres. Sur cette remarquable enluminure datée entre 725 et 750, on peut voir le Roi David, entouré de musiciens et de danseurs ainsi que deux scribes qui semblent écrire la mélodie à mesure que le Roi joue de son instrument.

Cette Lyre, dont la forme rappelle en tout point l’instrument retrouvé à Sutton Hoo, est nommée dans les textes “Rotta Britania” ou parfois “Harpe Ronde”.

Placée entre les mains du Roi David, la lyre suggère un registre sacré. La main gauche semble pratiquer des accords par étouffement tandis que la main droite, grâce à un plectre tenu entre l’index et le pouce, opère visiblement un jeu de type gratté. (bien que rien ne nous interdise d’envisager également un jeu de type pincé semblable à la Harpe.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lyre Tivale

Cet instrument est l’une des premières création originale de l’Atelier Skald proposant une interprétation instrumentale de l’œuvre de Waterhouse -La Sirène-

– A Mermaid – John William Waterhouse, 1901

Lyre de Kravik Atelier SkaldLyre de Kravik

 

C’est au XIXème siècle que cet instrument sera découvert, non pas dans une sépulture royale ou de guerrier comme pour la plupart des autres lyres du Moyen Âge, mais suspendu dans une grange de Numedal en Norvège.

Daté du XIVème siècle, l’instrument semble avoir ainsi traversé les âges enpassant de main en main, et présente de nombreuses réparations et améliorations qu’il semble avoir subit avant d’avoir été vraisemblablement oublié là.

Les bras et le joug sont très ouvragés et présentent des ornementations d’une grande finesse réalisées au couteau.

Ne subsiste que le corps de l’instrument réalisé de façon monoxyle et en sapin.

Hélas, la table d’harmonie, les chevilles, le chevalet ou encore le cordier n’ont pas été retrouvés. L’instrument présente une perce sur le coté suggérant probablement l’emplacement d’une sangle afin de la porter en condition de jeu ou le transport.

 

Lyre de Kravik Lyre Viking viking instrument nordic lyre

Oops, il n’y a rien ici…

Psaltérion en écu puivert atelier skaldPsaltérion en écu de Puivert

Trois années de recherches, d’études et d’expérimentations touchent à leur fin et redonnent vie à la pierre du château de Puivert après 700 ans de silence…
Nous sommes fiers de vous présenter le Psaltérion en écu (XIVème siècle).

Cette remarquable représentation trônant sur un chapiteau à près de trois mètres de hauteur dans la salle des musiciens du château de Puivert fut longtemps considérée, de par sa rareté, comme étant une représentation symbolique. Après trois ans de travaux et de recherches, les Luthiers de l’Atelier Skald ont mi en lumière de par l’Europe, d’autres représentations de cet énigmatique instrument permettant ainsi de démontrer sa dimension réelle et instrumentale et d’autre part, de disposer de suffisamment d’informations entre les différents sujets afin de pouvoir proposer une reconstitution pertinente de ce psaltérion.

Ces travaux ont notamment permis aux deux luthiers de réaliser un mémoire adapté en un ouvrage retraçant leurs recherches et détaillant leurs résultats. Un ouvrage préfacé par Gisèle Clément -Docteur en musicologie, enseignant-chercheur à l’université Paul Valéry Montpellier III.

Lyre Franque de Cologne

Lyre de Cologne Atelier Skald

Datés du VIIème siècle, les restes de cet instrument furent découverts dans la chapelle de St Sévrin de Cologne.

L’étude xylologique a révélé que l’instrument été réalisé dans de l’érable. Doté de six perces dans le joug témoignant de l’emplacement de six chevilles dont l’écartement suggère la possibilité d’un jeu en pincé, mais aussi en gratté comme pour ses cousines retrouvées à Oberflacht et à Trossingen.

Hélas, les restes de l’instrument, à l’instar de la lyre d’Oberflacht, furent détruits lors des bombardements de Cologne au cours de la seconde guerre mondiale ne laissant aujourd’hui que quelques photos, croquis et bien-sûr le rapport archéologique.

Cet instrument incorpora un programme de reconstitution dirigé pas les archéo-luthiers de l’Atelier Skald. Sélectionnant et reconstituant un outillage lié à l’artisanat du bois retrouvés sur différents sites archéologiques contemporains de la période de la Lyre de Cologne, tels que la nécropole du Wurtunberg ou encore St Dizier, les luthiers de l’Atelier Skald mettent en application le protocole d’archéologie expérimentale afin de restituer l’instrument au plus près des matériaux, des conditions, des outils et des techniques à disposition à l’époque du VIIème siècle.

Les résultats de ces expérimentations seront présenté en conférence à l’auditorium du Musée d’Archéologie Nationale en 2017.

Lyre Franque de Cologne Atelier Skald Frankish Lyre Alamanen Leire Köln

 Mais quelle est la condition du Skald?

Le mot Skald, dont l’étymologie provient du proto-germain Skalli pouvant se traduir par “parole” ou “chant” servait à définir dans l’ensemble de la culture germanico-scandinave  la fonction de celui qui, un peu à la manière du barde ou de l’aède, chantait la louange des rois, les exploits guerriers ou encore la gloire des dieux dans d’épiques poèmes.

La fonction de celui qui fabriquait les instruments reste encore très hypothétique, beaucoup de zones d’ombre demeurent sur ce sujet pourtant d’importance puisqu’il touche à ce que tout homme de pouvoir convoite depuis l’aube des âges : le Média de masse! En effet, dès l’antiquité, les auteurs grecs et latins nous parlent du pouvoir qu’exercent les musiciens, immortalisant pour les siècles et les siècles dans de sublimes poèmes et chansons ceux pour qui ils chantent la louange ou qu’ils raillent dans leurs satires! On peut aisément imaginer que dans ces sociétés portant le principe de l’oralité en haute estime comme en témoigne le système de conservation et de transmission de la connaissance et de la mémoire de leur peuple, le chanteur, le musicien et même l’artiste au sens large du terme, occupent une place centrale, voire même sacrée.

 

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